Clovis Taittinger , « Chanter pour partager la magie du vin. »
« La mission est souvent plus importante aux yeux de vos interlocuteurs que vous n'en avez vous-même conscience. Quand on voyage, on oublie que la fonction de représentation (les valeurs, l'histoire de la marque, de la famille) est souvent intimement mêlée à l'aspect commercial. Mais il ne faut surtout pas oublier que l'échange reste à double sens. Il faut s'adapter et mettre plus de culture dans les codes. Être soi-même, assez ouvert, malléable intellectuellement. Donner le sentiment que l'on parle chinois aux Chinois, américain aux Américains, etc. Être capable de réagir face à la demande, à un comportement. Sans perdre de vue que l'on ne sait jamais vraiment jusqu'à quel point on intéresse son interlocuteur et qu'il est essentiel de savoir rester à sa place, de ne jamais se sentir calife à la place du calife, de ne pas oublier que l'on n'est qu'un rouage dans l'entreprise. Car on peut se laisser griser par le moment présent et l'attention que l'on vous porte.
J'ai ressenti une fois dans ma vie cette sensation de «grande euphorie».
À titre personnel, je préfère le combat «commercial». C'est là que j'éprouve le plus de plaisir. Et parfois le sentiment de me sentir pousser des ailes quand les aspects commerciaux sont pris dans la tourmente de l'aventure humaine. C'est souvent ce souffle de l'aventure que l'on recherche, celui du chercheur d'or qui vient de découvrir une mine ou de celui qui vit simplement un moment intense avec des clients et des agents. Vous pouvez ressentir un sentiment de «toute-puissance» quelques jours par an, quelques heures. Je me souviens particulièrement d'un voyage au Cambodge, au Vietnam et au Laos en 2008, avec un de mes «maîtres », M. Gilbert Méhat, qui avait fondé la première et plus puissante société de distribution de vins dans ces pays : Les Celliers d'Asie. Ancien d'Indochine, il avait fait de son entreprise le bras armé de son coeur, de son aventure de vie. Tous les jours, même dans les coins les plus reculés de ces pays, après quelques coupes de champagne, il donnait un concert d'orgue de barbarie - des classiques français : Nuit de Chine , Mon amant de Saint-Jean ... - à tous ses clients, qu'ils soient en ville ou dans des villages. Nous devions tous chanter avec lui pour les clients et c'étaient des moments de communion intense avec eux. Personne ne pouvait résister à Taittinger ensuite. Cela valait tous les investissements marketing du monde. C'est là que j'ai ressenti la magie du champagne, celle qui donne du bonheur aux personnes. Après dix jours et dix concerts, après avoir rencontré puissants et moins puissants, avec le sentiment du devoir accompli, j'ai quitté mon équipe et mon «Gilbert» et me suis effondré en larmes dans l'avion, submergé par l'émotion et le sentiment unique de ne malheureusement jamais plus revivre cela... »